en guise de compte-rendu ...

Mes impressions, 20 ans aprés ces deux premières missions au Nigéria, particulièrement éprouvantes face à cette maladie de la misère qu'est le Noma. PA

Je m'en vins à pleurer, comme pleurait Jacques Brel,
De longs sanglots amers à la morve rebelle,
Des larmes torrentielles charriaient dans les sillons,
Creusés sur mon visage, leurs débris d'émotion.

Et inlassablement défilaient devant moi,
En lente procession, masquant leur désarroi,
Des enfants apeurés et leurs parents hagards,
Les uns souffrant la chair, les autres le regard.

Des êtres déchirés, aux sourires dévorés,
Aux lèvres inachevées, aux destins éventrés,
Honteuses caricatures, fâcheuses parodies,
Singeaient dans sa laideur, l'humaine comédie.

Devant ces masques antiques, tragiques de douleur,
Je ne pus que crier pour taire mon horreur.
Je me mis à gueuler, comme gueulait Jacques Brel,
D'un cri rauque, impuissant, d'un cri de maquerelle.

Un vent plein d'amertume, d'embruns, de désespoir,
S'échappait de mes lèvres, à grands coups de boutoir.
La plainte silencieuse de ces agonisants
Répondait en écho à mes rugissements.

Et j'en vins à prier, comme aurait prié Brel,
Que c'est bien le printemps qui nait d'une hirondelle,
Qu'une goutte, si petite soit-elle pour ces enfants,
Sera toujours plus vaste que tous les océans.

Lors, tes mains malhabiles de tes doigts engourdis
Se sont mises à broder, d'un seul coup enhardies,
Corrigeant derechef ce que Nature ou Dieu
N'avait point jugé bon à trouver disgracieux.

Ma fureur apaisée des chairs cicatrisées,
Mon âme, rassérénée des sourires retrouvés,
Je me mis à chanter, comme j'aimerais chanter Brel,
Les mots de ses chansons aux accents éternels,
Les mots de ses colères, de ses indignations,
Les mots de la misère, les mots de la passion.

Patrick Antoine

En hommage à mon ami Patrick Knipper